Le SPEP fait le point sur le sujet

Le Syndicat des Psychiatres d’Exercice Public (SPEP) partage l’émotion suscitée au sein du corps social et comprend la préoccupation du Gouvernement face au phénomène de radicalisation à l’origine des actes terroristes et des tueries de masse.

Face à cette horreur, la tentation est grande de donner à penser que nous, “la société”, pourrions avoir prise sur une part de ses causalités en suggérant que ces actes de violence extrêmes pourraient relever, pour partie, d’une pathologie psychiatrique: un tiers de ces personnes, avance-t-on, présenteraient des troubles psychologiques…Mais selon quels critères, quelles études épidémiologiques ?

Cette affirmation peut aussi rassurer en faisant croire à un humanisme général partagé par tous.

Toutefois certains éléments du discours du Président de la République aux Préfets le 5 septembre dernier nous préoccupent et nous inquiètent : selon ses propos cités dans la presse (HOSPIMEDIA du 08/09/17) « …nul ne peut expliquer à nos concitoyens que lorsqu’un individu a été signalé à tous les services, est identifié comme dangereux, (il puisse), sans aucun lien avec le Ministère de l’Intérieur (…), être libéré d’un hôpital psychiatrique où il se trouve, alors même que chacun sait qu’il incarne une menace… ».

Mais non, Monsieur le Président, les malades ne sont pas « libérés » des hôpitaux psychiatriques !

Nos patients sortent de la même manière qu’ils sont entrés : sur avis médical motivé et pour ceux d’entre eux qui ont été hospitalisés sur décision du Représentant de l’Etat* par arrêté du Préfet.

Ce glissement sémantique peut induire implicitement une confusion entre délinquance et maladie mentale, hôpital psychiatrique et prison et risquent d’aggraver la stigmatisation des malades que nous soignons.

Les questions du passage à l’acte et des états dangereux font partie de la clinique psychiatrique et des actions préventives et thérapeutiques des Psychiatres des Etablissements Publics qui sont quotidiennement confrontés.

Les nouvelles formes de rupture, de radicalisation et de violences de masse nécessitent sans aucun doute de larges concertations pluri-professionnelles au sein desquelles pédopsychiatres et psychiatres auront toute leur place, mais rien que leur place pour poser un diagnostic, évaluer, comprendre, soigner, accompagner et réinsérer.

Le SPEP, à travers des colloques annuels menés avec son association scientifique (ANCRE-Psy) depuis les attentats de janvier 2015, s’est déjà engagé sur cette voie de réflexion et il est prêt à prendre sa part dans ces concertations.

*12.000 sur 500.000 hospitalisations en 2015 sont décidées par arrêté du Préfet après plusieurs certificats médicaux circonstanciés, le tout sous le contrôle du Juge des Libertés. Pour ce type d’hospitalisations sans consentement les services de l’Etat font donc partie intégrante du processus d’admission et de sortie.

Maladie mentale et actes terroristes : la tentation des amalgames ?