Paris, le 12 septembre 2018

 

COMMUNIQUÉ

Stratégie de transformation du système de santé : la psychiatrie en état
d’urgence républicaine

 

À l’occasion de l’annonce par le Président de la République le 18 septembre 2018 de la
stratégie de transformation du système de santé, les usagers patients, familles et professionnels
de la psychiatrie veulent l’alerter solennellement sur la situation d’une gravité sans précédent à
laquelle cette discipline est actuellement confrontée. En effet, la multiplication d’événements
parfois dramatiques et dont les médias se font régulièrement l’écho, n’est que le révélateur de
l’état extrêmement critique de notre dispositif de prévention et de soins.
Le diagnostic est pourtant connu : saturation des centres médico-psychologiques, baisse
des capacités d’hospitalisation sans transfert des moyens sur l’ambulatoire, désertification
territoriale touchant également les médecins généralistes dont on sait l’importance en psychiatrie,
inégalités d’accès aux soins, retard ou impossibilité de prise en charge notamment pour les enfants
et les adolescents, taux encore trop préoccupant de suicides, augmentation de soins sous
contraintes et du recours aux pratiques de contention et d’isolement, recherche et prévention
insuffisantes, épuisement des professionnels etc…

La détérioration de la qualité de vie au travail, marquée par le stress et le burn-out,
concerne les professionnels de psychiatrie, toutes catégories confondues, de la secrétaire au chef
de service en passant par l’agent de service hospitalier. Le manque d’attractivité professionnelle
se conjugue à l’insuffisance de moyens notamment dans certains territoires et plus
particulièrement en pédopsychiatrie. Les équipes de soins sont plongées dans un découragement
croissant qui les démobilise et vivent un profond sentiment d’abandon. De plus en plus insécurisées
voire stigmatisées comme le sont trop encore les patients eux-mêmes, elles ne cessent d’exprimer
haut et fort sans être entendues non seulement cette insuffisance de moyens mais aussi leur vécu
de perte du sens de leur travail et de leur identité professionnelle.
Malgré les déclarations d’intention en décembre 2017 de la Ministre, dont nous ne doutons
pas de la sincérité, faisant de la psychiatrie une priorité nationale en assurant notamment la
préservation de son budget, nous ne pouvons que déplorer la confusion délétère créée sur le
terrain par des messages manquant de cohérence apparus depuis : méthode d’élaboration et
contenu de la feuille de route de juin 2018, dichotomies soins libres/soins contraints, soins
légers/soins lourds…
Or, plus que d’un plan, d’un rapport ou d’une énième mission, les acteurs de la psychiatrie
demandent que soient confortés les travaux qu’ils mènent actuellement dans le cadre du comité
national de pilotage de la psychiatrie dont la Ministre a réaffirmé le rôle clé. La composition de
ce comité de pilotage, instance à laquelle sont parties prenantes DGOS, DGS, DGCS, Collège des
ARS, Secrétariat des ministères sociaux, regroupe l’ensemble des représentants institutionnels
représentatifs de ce champ, gage de l’objectivité et de la validité partagée des orientations qui
sont proposées aux pouvoirs publics et de leur appropriation par les acteurs de terrain.
Les priorités qu’il a identifiées et sur lesquelles des groupes de travail ont été missionnés
pour proposer des plans d’actions concrètes impliquent l’ensemble du champ de la psychiatrie
(territorialisation, recherche, pédopsychiatrie, hospitalisation et ambulatoire, personnes
détenues, personnes âgées …). Des actions résultant de ses travaux sont d’ores et déjà engagées
notamment des actions régionales dans le cadre de la mise en place d’un observatoire des soins
sans consentement, postes universitaires en pédopsychiatrie, déploiement national du dispositif
VIGILANS, soins de réhabilitation psycho-sociale, psychiatrie périnatale, prise en charge
thérapeutique des personnes avec autisme, psychotraumatisme, modalités de financement …
Diverses thématiques de travail tels que les pratiques avancées infirmières et le
numérique sont déjà prévues.
La prise en compte par les pouvoirs publics des propositions élaborées dans ce cadre
devrait se traduire par une mise en oeuvre effective sur le terrain dans les meilleurs délais. A cet
égard les moyens dédiés à la psychiatrie et leur évolution pour faire face à des missions sans cesse
croissantes, doivent être clairement identifiés tant au niveau national et régional, qu’au niveau
des établissements dans le cadre des GHT.
Pionnière en matière de territorialité et de responsabilité populationnelle (80 % de son
activité est aujourd’hui ambulatoire) la psychiatrie doit pouvoir adosser son action sur ce travail
sérieux de co-construction s’inscrivant dans la durée soucieux de fédérer l’ensemble des acteurs
et se gardant des parasitages d’intérêts personnels ou de postures idéologiques.

Il y a urgence républicaine à ce qu’au plus haut niveau les pouvoirs publics mesurent la
gravité de la situation en intégrant dans la stratégie de transformation du système de santé les
orientations ainsi exprimées correspondant aux attentes des usagers patients familles et
professionnels, pour une psychiatrie humaniste et scientifique, réaffirmant comme l’a souligné la
ministre les acquis de la politique de secteur. Face à cet enjeu majeur de santé publique, c’est
bien là la condition de l’engagement des acteurs concernés qui tiennent à rappeler que le degré
de civilisation d’une société se juge à l’aune de la façon dont elle traite les plus vulnérables des
siens.

 

Sadek BELOUCIF
Président du Syndicat National des médecins, chirurgiens, spécialistes, biologistes et pharmaciens
des Hôpitaux Publics (SNAM-HP)

Marc BETREMIEUX
Président du Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux (SPH)

Rachel BOCHER
Président de l’Intersyndicale des Praticiens Hospitaliers de France (INPH)

Jean-Jacques BONAMOUR DU TARTRE
Président de la Fédération Française de Psychiatrie (FFP)

Stéphane BOURCET
Président de l’Intersyndicale de la Défense de la Psychiatrie Publique (IDEPP)

Michel DAVID
Président de l’Association des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire de Psychiatrie
(ASPMP)

Claude FINKELSTEIN
Présidente de la Fédération Nationale des Associations d’usagers en Psychiatrie (FNAPSY)

Thierry GODEAU
Président de la Conférence nationale des présidents des Commissions Médicales d’Etablissement
de Centres Hospitaliers

Marie-Rose MORO
Présidente du Collège National des Universitaires de Psychiatrie (CNUP)

Christian MÜLLER
Président de la Conférence nationale des présidents de Commissions Médicales d’Etablissement
de Centres Hospitaliers Spécialisés

Rémi PEQUIGNOT
Président d’Avenir Hospitalier

Marie-Jeanne RICHARD
Présidente de l’Union Nationale de Familles et Amis de personnes malades et/ou handicapés
psychiques (UNAFAM)

Norbert SKURNIK
Président de la Coordination Médicale Hospitalière (CMH)

Jacques TREVIDIC
Président de la Confédération des Praticiens Hospitaliers (CPH)

Michel TRIANTAFYLLOU
Président du Syndicat des Psychiatres d’Exercice Public (SPEP)

Communiqué Commun avant annonces du 18 Juin sur la Stratégie des transformations du Système de Santé